Pour ceux qui ne connaissent pas encore cette discipline, l’Ironman d’Embrun est un triathlon longue distance qui est composé de 3800m de natation, 188km de vélo et 42km à pieds.
Je vous passe les détails des huit mois de préparation…
Nous sommes le mercredi 15 aout , il est 6h de matin au bord du plan d’eau à la pointe du Lac de Serre-Ponçon lorsque retentit le coup de pétard indiquant le grand départ. Il fait nuit noir et le millier de têtards à tête blanche se jettent tête baissée dans le plan d’eau à 22°. Le moins qu’on puisse dire c’est que ça bagarre dans l’eau, une véritable machine à laver en pleine obscurité, franchement moi je n’ai pas trop aimé!
Après 1h17′ de zigzags, je suis sorti de l’eau un peu déboussolé et me suis rendu au parc à vélo où j’ai pris le temps de me changer et reprendre mes esprits pour aborder le vélo dans de bonnes conditions. La transition m’a pris près de 8′ là où les premiers prennent moins de 1’30 »!
Dès les premiers mètres à vélo, j’ai senti que j’avais de bonnes jambes et, à ma grande surprise, j’ai croisé Kiki dans le premier kilomètre, il était sorti de l’eau en 1h15′, bluffant !
Pendant la première boucle d’environ 50km, j’ai repris de nombreux concurrents sans trop laisser de forces, il faut dire que je n’étais pas avec la tête de course puisque je pointais à la 700ème place en sortant de l’eau!!!
Je pense avoir repris près de 400 places jusqu’au pied de l’Izoard, à ce moment mon compteur indiquait plus de 29km/h de moyenne, j’étais bien parti…
Passé la vallée du Guil, j’arrive au panneau indiquant sommet à 14,4km, il était déjà 10h25.
Dès les premiers kilomètres de l’ascension, j’ai senti les premiers effets de la chaleur conjugués aux quelques passages à 8-9%, je n’étais plus dans mon élément et j’ai donc fait le choix de mettre en suspend ma remontée dans le classement pour grimper sans me mettre dans le rouge.
A 11h37, après une montée laborieuse, je suis arrivé au sommet dans un assez bon état de fraîcheur. J’y ai retrouvé Philippe qui semblait m’attendre avec impatience et m’a félicité pour cette bonne première partie. J’ai là aussi choisi de prendre mon temps pour recharger les batteries et aborder la descente plein gaz. Après quelques minutes passées à grignoter, Philippe m’a fait remarquer que je perdais bêtement pas mal de temps, je suis donc reparti car le sandwich jambon/fromage conseillé par l’ami Patrice Cauet était trop bourratif.
Aller hop, je me jette dans la descente à plus de 80km/h un domaine que j’adore par-dessus tout, mais bon, j’ai dû quand même faire très attention aux voitures et à certains concurrents crispés sur les freins. Je constaterai plus tard que j’ai fait une pointe à 87km/h dans cette descente, ça décoiffe!
Arrivé à Briançon, nous empruntons un labyrinthe de petites rues pour sortir de la ville et dès la sortie je constate que j’ai un nouvel adversaire, le vent et quel vent !
Je reprends encore quelques unités mais bon je ne roule plus très vite et je prends conscience que ma moyenne va sérieusement chuter d’ici Embrun. J’enroule en souplesse jusqu’au pied de l’exigeante côte de Palon, une pente toute droite de 2-3km à 10% avec le vent et le soleil en pleine face, une véritable torture pour bon nombre d’entre nous, on a l’impression de passer à la rôtissoire.
Jusqu’à Embrun, il n’y a que de petites montées/descentes, pas vraiment difficile mais le vent et la chaleur rendent tout ça très usant.
J’entre dans Embrun et croise les premiers qui sont déjà dans le marathon et qui nous font un petit signe, sympa!
Avant de courir, il me reste à passer la fameuse côte du Chalvet. J’avais choisi de ne pas repérer cette côte et m’attendais à trouver un mur, en fait c’est une petite route en lacet qui monte pendant 4km, pas très pentue, pourtant j’ai dû mettre le 36×28 pour venir à bout de cette ultime côte, quel soulagement au sommet!
Après une descente sinueuse sur une route en très mauvais état, je suis arrivé dans le parc à vélos complètement lessivé. Je me suis changé à nouveau totalement et je suis parti en essayant de trottiner doucement. Dès les premiers mètres, j’ai vu la course sous un autre angle, plus de chrono, je progressais en me disant que chaque pas me rapprochait un peu plus de l’arrivée. Philippe était de nouveau à mes côtés et constatant que je gaspillais beaucoup de temps sur les ravitaillements, il me dit « tu es parti pour mettre 5h », au fond de moi je m’en moquais, je ne savais pas où j’en étais dans le classement et je n’avais fait aucun calcul pour savoir quel temps je pouvais espérer faire, peu m’importait, l’objectif était de terminer.
Je ne regarde que très rarement les indications kilométriques, j’avance et c’est tout. Les bons conseils de Philippe finissent par me lasser et je finis par lui demande de me laisser avec ma souffrance. Un autre ami, Pierre vient à ma rencontre et m’encourage à sa façon, « si tu marches, je te chante du Metalica », le genre de truc qui motive !
Vers le 18ème kilomètre, Pierre me laisse alors que j’aborde le village de Baratier où nous avons loué un mobil home. Je commence à entendre des bruits, au loin, je reconnais toute la famille, ils sont tous là, ma femme, mes enfants, mes beaux-parents, la famille de Kiki, j’ai la chair de poule, les larmes commencent à monter et j’oublie un instant qu’il me reste un deuxième tour à parcourir. J’apprendrais le soir qu’ils avaient mijoté ça de longue date, j’en suis encore très ému. Les effets de cette petite cure de jouvence s’estompent rapidement pour laisser place à la douleur.
J’aborde la fin de ce premier semi-marathon et croise Kiki qui en a terminé avec le vélo et entame son chemin de croix, il semble souriant mais j’apprendrai qu’il était sur le point d’abandonné juste avant que je le croise.
Dès le début de la deuxième boucle, j’ai de plus en plus de mal à boire et constate que de nombreux autres concurrents sont victimes de nausées et de vomissements. Pourtant, je me force à boire et m’asperge abondamment à chaque ravitaillement car la chaleur ne nous a pas lâché. Vers le 25ème kilomètre je demande de la bière à un bénévole (vraiment sympa ces bénévoles !) que je mélange avec du Coca. Etrangement le mélange passe très bien et ma foulée se fait à nouveau plus souple et plus rapide, c’est parfois surprenant de voir comment réagit notre organisme!
Pierre fait encore un bout de chemin avec moi en utilisant une technique de motivation bien à lui, il constate aussi une soudaine aisance et je reprends à nouveau de nombreux concurrents qui m’avaient doublé dans le premier tour.
Les kilomètres passent et j’arrive à nouveau à Baratier pour embrasser ma femme et mes enfants, plus que quelques kilomètres avant la délivrance. Même s’il me reste moins de 3 kilomètres, le tour du plan d’eau me semble interminable, j’ai beaucoup de crampes, je n’arrive plus à courir, je marche et me fait doubler à nouveau, quel calvaire !
Un dernier virage, j’aperçois le long tapis bleu, ma femme et mes enfants sont là, une dernière photo avec le cousin Roman, je ne réalise pas vraiment. Les minutes qui suivent sont longues, le corps nous rappelle ce qu’on lui a fait subir, j’ai envie de vomir, mes muscles se serrent, quelle galère…
Il est près de 20h, Kiki est encore en course, on m’a dit qu’il voulait arrêter mais nos très nombreux supporters l’ont encouragé à terminer. Kiki poursuit jusque tard dans la nuit son long marathon (5h44), il est près de 22h45 lorsqu’il passe la ligne à bout de force mais il l’a fait, nous voici tous les deux des hommes de fer!