Trois ans se sont écoulés depuis mon premier Ironman à Embrun en 2012. Comme bien d’autres, j’avais pourtant dit « plus jamais ça » mais l’humain est ainsi fait qu’il ne garde que les bons moments et oublie les mauvais alors j’ai entrepris de me préparer à nouveau pour cette épreuve.
Depuis plus de vingt ans, l’ami Christian passe tous ses étés à Embrun où il regarde d’un air envieux et fébrile les concurrents passer la ligne d’arrivée, alors, à 63 ans, il a fini par prendre la décision de réaliser son rêve.
Guy, plus connu sous le pseudo de Guyguy est aussi venu s’ajouter à la liste des candidats à la dernière minute, ce n’était pas vraiment une découverte pour lui mais depuis sa dernière participation en 2003, les années ont passé et pas mal de pépins physiques mais à 65ans, même diminué, la volonté est toujours là, ces Cumariots, c’est vraiment des gens à part!
Alors que j’avais franchi la ligne en 13h55 en 2012, l’objectif avoué était de passer sous la barre des 13h en faisant un marathon sur des bases de 4h et en gagnant un peu sur la natation que j’avais quelque peu négligée faute d’encadrement adapté.
Dix mois de préparation soit près de 500h d’entrainement (180km de natation / 7000km de vélo / 1800km de course à pieds) à concilier vie de famille, travail et sport, pas toujours simple n’est-ce pas?
La veille de l’épreuve, un très gros orage s’est abattu sur Embrun, vers 17h Christian et moi déposons notre vélo dans le parc, nous respectons la consigne de coucher le vélo au sol car il y a de très fortes rafales de vent, même l’arche électronique de l’arrivée n’a pas résisté!
Nous rentrons au camping, un peu angoissés par les conditions météo et pour moi la crainte de voir ma batterie de dérailleur déchargée au petit matin!
Après une nuit très courte, je passe un petit coup de téléphone à Guyguy qui a peur de ne pas se réveiller, petit déjeuné classique avec le Gatosport favori et hop départ pour le parc où je retrouve Christian stressé comme jamais, je ne saurais dire qui est le plus stressé des deux!
Les combis sont enfilées, nous voilà anonyme au milieu de la meute, il fait nuit, le stress des autres est très palpable. Il est 5h50 quand le départ des femmes est donné. On nous laisse approcher de l’aire de départ très étroit, nous sommes les uns contre les autres, Christian est en larme, angoisse, joie, tous les sentiments se mélangent. Le speaker coupe la musique, PAN! c’est parti, mon cur bat à la chamade et ma respiration est courte et incontrôlable, je me sens comme asphyxié, pas moyen de mettre la tête dans l’eau, je prends des coups, je suis en brasse, on est les uns contre/sur les autres, tout le monde me double, arf, c’est mal parti!
Après 200m, j’arrive enfin à me calmer et mettre la tête dans l’eau, mon rythme cardiaque baisse et je peux enfin passer en crawl, j’ai perdu beaucoup de temps et de place, après toutes ces semaines de préparation à la natation, c’est dure à avaler. Doucement, je reprends mes esprits et je me sens mieux, ça glisse pas mal, je conserve mon allure jusqu’au bout et sors en 01:10:28 (sur ma montre j’ai 3910m en 01:09:35 soit 1’47 »/100m), déjà près de 7 minutes de gagnées par rapport à 2012, cela me met en confiance pour aborder le vélo.
La transition est laborieuse, je mets plus de 8 minutes pour me changer, dommage de perdre autant de temps, la prochaine fois si il y en a une, j’opterais pour la tri-fonctions…
Pas de Christian dans le parc, il doit être en train de se battre dans l’eau, pourvu que tout se passe bien pour lui, quand à Guyguy, j’espère qu’il va sortir dans les délais, tout faire en brasse c’est pas simple!!!
Je sors du parc et j’enfourche le vélo, tout de suite dans le vif du sujet, c’est parti pour quelques 14km de montées pas très difficiles mais irrégulières, le ciel est gris et la pluie menace mais il ya peu de vent. Je profite des premiers kilomètres pour refaire les niveaux, un tube de gel, une barre et quelques belles gorgées de boisson énergétique, voilà c’est fait, j’accélère peu à peu le rythme mais les sensations ne sont pas extraordinaires, j’ai beaucoup de mal à monter dans les tours, je me sens comme bridé, je ne m’angoisse pas vraiment, la route va être longue.
Je bascule, dans la descente la route est mouillée, j’ai envie de me lâcher pourtant je ne prends pas de risques, je vire comme un débutant et attend d’être sur la route de Savine pour me poser sur le prolongateur et « mettre les Watts ». J’y suis, ça roule à plus de 40km/h, ma vitesse moyenne progresse enfin, j’arrive à Embrun, j’ai alors plus de 29km/h de moyenne. Arrivé au rond point de Baratier, il y a une foule impressionnante, j’y aperçois les amis supporters et ça me motive encore un peu plus.
Les kilomètres défilent, je reste allongé sur la machine même si une douleur dans le bas du dos commence à me tracasser, je me mets en danseuse, la douleur se calme, je double beaucoup de monde et grisé par cette remontée, j’insiste encore mais la douleur devient vraiment insupportable et je commence à me demander si je vais tenir les 188km comme ça et si oui comment vais-je courir ensuite?!
Arrivé à Guillestre, la moyenne est passée à 30km/h, je profite des montées pour me mettre debout sur les pédales pour essayer de calmer la douleur, je peste!
Je passe le panneau Izoard sommet à 14km, les choses sérieuses commencent mais je sens que ça va être compliqué, je suis contraint de baisser le rythme et de me laisser remonter, je prends des bidons mais un des bidons est bouché, j’ai dû avoir le fond de la cuve de leur préparation maison, ça m’énerve!
Arrivé dans Arvieux, je suis mal, je monte en danseuse, j’ai déjà tout à gauche (36×28) à 10km/h, il commence à tomber quelques gouttes et pourtant j’ai très chaud, il fait lourd, ça va être long cette ascension.
Casse déserte, je respire un bon coup, avant d’entamer les derniers lacets. Me voilà au sommet, il fait très froid, le bénévole ne trouve pas mon sac de ravitaillement, je lui demande d’insister, il y retourne et me donne mon sac puis je mets un journal sous le maillot, jette le bidon bouché et recharge avec ma propre boisson et met les précieux sandwichs au pain complet jambon/st moret dans le maillot pour me lancer dans la descente. Dès les premiers lacets, je suis pétrifié par le froid, je claque des dents et prends les virages à l’arrêt tellement j’ai du mal à contenir cette sensation de froid qui me pénètre.
Après 10km de descente, je suis gelé, mes cuisses sont tétanisées, des débuts de crampes commencent à se faire sentir, c’est la galère, je croise des gens qui s’arrêtent qui comme moi sont pris de tremblements incontrôlables.
Arrivé à Briançon, la route est sèche, les premiers coups de pédale sont pénibles, la machine peine à se remettre en route pourtant peu à peu mon corps se réchauffe et je constate avec stupéfaction que mon mal de dos n’est plus qu’une gène, le coup de pédale se fait plus souple, je garde les mains sur les cocottes de peur d’avoir à nouveau mal au dos.
Le retour vers Embrun se passe bien même si la pluie parfois très forte a fait son retour. Je reprends à nouveau de nombreux concurrents et passe la redoutable côte de Pallon « sur une jambe », je me sens très bien et commence déjà à penser au marathon quand arrive le Chalvet que je passe un peu plus difficilement. Me voilà à nouveau dans le parc pour vêtir la tenue de course à pieds.
Les premiers pas sont pénibles, les cuisses sont lourdes pourtant j’observe mon GPS qui m’indique que je courre à 5’20 »/km, impeccable, c’est juste l’allure que je voulais. Après quelques kilomètres, je retrouve mon épouse qui me donne des nouvelles de Christian et Guyguy, « Nicole dit qu’il ne sera pas dans les délais », moi j’y crois encore, je sais qu’il a passé l’Izoard, à mon avis il ne va pas baisser le pavillon aussi facilement. Guyguy a repris son retard sur Christian, les deux lascars sont sur le chemin du retour et se battent pour être dans les délais, penser à eux me fait oublier ma course, j’espère que ca va aller pour eux aussi.
Bouteille à la main, je ne m’arrête pas aux ravitaillements, je conserve l’allure, c’est grisant, je pourrais même aller plus vite mais connaissant l’épreuve, je préfère en garder pour le deuxième tour.
Arrivé au premier passage à Baratier (16km), je retrouve les supporters, je suis tout sourire, je sais que si je continue sur ma lancée je serais nettement sous les 13h, la vue de tout ce petit monde me galvanise.
Passage au semi en 1h51′, je suis heureux.
Les jambes se font peu à peu plus lourdes, je commence à marcher dans les pentes raides d’Embrun, ça commence a coincer sévère, je serre les dents et commence à me mettre dans ma bulle, c’est normal, c’est ça l’Ironman!
Des débuts de crampes dans les adducteurs commencent à me rendre soucieux, la moyenne baisse je m’approche de 6’/km, ce n’est pas rassurant, il reste encore près de 15km. J’apprends que Christian et Guyguy ont tous les deux chaussé les runnings, je suis ravi et ça me fait oublier les kilomètres qui passent, nouveau passage à Baratier, je suis un peu dans le gaz mais je sais que c’est presque terminé.
J’entame l’ultime tour du lac et d’un seul coup mes adducteurs se bloquent, j’insiste et je ressens comme un claquement car le muscle reste contracté et ne veut plus reprendre sa position. Je m’arrête pour étirer les adducteurs qui finissent pas se relâcher, il me reste 1km, je marche sur des ufs, en espérant pouvoir terminer en courant, la ligne d’arrivée se profile et je retrouve mes deux bambins, nous nous prenons la main et passons ensemble la ligne d’arrivée, 12h42′, je suis comblé!
Après m’être restauré, je retrouve ma femme et Nicole pour attendre le passage de Christian et Guyguy qui sont dans leur premier tour, Guy passe le premier, le visage marqué puis arrivée Christian tout sourire, je sais que c’est bon, ils vont aller au bout tous les deux, je suis heureux, quelle aventure!
C’est en « happy end » que l’aventure se termine (preuve que cela n’arrive pas qu’au cinéma!) pour chacun de nous, des images plein la tête nous reprenons le cours de notre quotidien bien plus monotone.
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Quelques photos…