Jeudi 22 au 25 octobre 2015 : Grand Raid de la Réunion (diagonale des fous)
En 2013, Hervé (pensant être en retraite) avait prévu dans ses projets de faire le Grand Raid de la Réunion en 2015.
Dans la foulée, je décidai de l’accompagner, Claude, Olivier et Yannick suivent au fil des mois. Bernard LLAGONNE souvent avec nous sur les courses d’Ultra rejoint également le groupe.
La « Diagonale des fous » (ou le Grand Raid de la REUNION) fait partie de ULTRA TRAIL WORLD TOUR , tout comme le Marathon des sables, l’ Ultra Trail du MONT BLANC , l’Ultra Trail Mont FUJI au Japon ou encore The Western States 100 miles aux USA ……soit l’une de la dizaine de courses les plus dures au monde.
La décision c’est bien , pouvoir s’inscrire….c’est mieux.
1300 places sont réservées aux métropolitains et au reste du monde. Ouverture des inscriptions le 16 février à 11h….il a fallu être rapide et performant sur l’Ordi car …..: 1h1/2 pour pouvoir valider nos inscriptions, en 3h07′ ….c’était complet. OUF !!!
Maintenant, il n’y a plus qu’à prévoir la logistique et surtout le programme de préparation.
Pour la logistique : Yannick et son petit groupe familial sera hébergé chez un ami en chambre d’hôte , Olivier a prévu aussi avec son amie Séverine un séjour plus long au sud de l’ile.
Nous 6 : Hervé, Claude, Bernard et Christine Llagonne, Monique et moi optons pour St Gilles en hôtel.
Après un vol sans problème, nous arrivons avec des températures nettement supérieures à la moyenne de saison (27 à 30°) ….difficile à s’habituer avec quelques degrés la semaine précédente en métropole .
le mercredi 21 sera consacré au retrait des dossards à St Pierre à l’ouest de l’ile, lieu de départ de la course, la soirée à la vérification de nos sacs consignes à remettre aux 2 bases de vie : CILAOS 62km et LE MAÏDO 112km au 1/3 et 2/3 environ de la course.
Jeudi 22 : On ne se fatigue pas trop, le départ est à 22h ….et de longues journées et nuits nous attendent.
C’est la veille, à la remise des dossards, avec l’ambiance particulière des grands évènements que Je commence « à entrer » dans ma course et que la pression monte doucement; mais pas de stress, c’est mon 3ème Grand Raid de la Réunion, le 1er en 1997 (nous étions 27 du club, coureurs et accompagnateurs), le second en 2002 (Monique et moi)… (…mais seulement 125km et 7500m+).Je connais environ 40km sur les 164 et je me souviens des terrains que nous allons trouver…ca ne m’affole pas plus que ça, ayant déjà couru une bonne dizaine de courses de ce format.
Nous arrivons à St Pierre 3h avant le départ. C’est un peu d’attente pour le dépôt des consignes, contrôle des sacs, mise en place des puces et mise en parc fermé pour tous les concurrents.
La météo est prévue favorable, mais nous sommes à la Réunion et ses micros climats, les averses sont souvent imprévisibles.
21h30 : Il fait chaud et c’est la grosse averse….les coupes vent sortent des sacs, chacun cherche une petite place à l’abri sous les quelques tentes, mais à 2500…..ce n’est pas possible. Nos accompagnatrices à l’extérieur, n’ayant rien prévu vont prendre aussi une bonne douche !!!
21h55 : sortie du parc…les derniers, nous avons le temps….et la pluie a cessée. Il fait chaud et nous partons en tee shirt, la frontale avec la batterie bien chargée, pour la 1ère nuit.
Dés le départ donné à la ravine blanche, c’est un premier grand moment d’émotion sur les 6km du front de mer : 80 000 personnes qui chantent, encouragent, motivent : » A le redoute, à la redoute …. » (La redoute c’est le stade d’arrivée à St Denis)….chair de poule assurée.
Nous quittons St Pierre pour commencer une longue montée de 34 km vers PITON TEXTOR à 2165m
. Les chemins et petites routes sont relativement larges et je double régulièrement avec Yannick et Olivier
. Au début de cette montée dans les champs de canne à sucre, il n’a pas plu et les coureurs soulèvent parfois des nuages de poussières dans les faisceaux des centaines de frontales…c’est irréel et magique !!
1er ravito (23h55) et contrôle au domaine Vidot (14.6km altitude 660m). J’ai doublé un peu plus de 1000 coureurs avec peu de gène. J’ai perdu Olivier et Yannick, mais tous suivent à quelques minutes.
Après le ravito : 1er ralentissement ….monotrace et 1/4h d’attente.
La montée continue normalement pour moi, je me régale dans la nuit bien douce sur des chemins assez roulants lorsque pour le 2ème fois, c’est l’arrêt complet en descendant une ravine technique. J’aperçois dans la végétation la guirlande de frontales arrêtée…dans la descente …et la remontée. Je vais mettre 40′ pour quelques centaines de mètres et je commence à regretter d’être parti si loin dans le peloton….Mais les réunionnais sont des gens très cool,…les blagues commencent à fuser et ce sont des chants que vont entamer quelques uns repris par tous…Impuissants devant la situation et plutôt que de « se prendre la tête »…c’est tellement mieux comme ça !!
…Et j’apprendrai à l’arrivée que certains derrière moi ont été bloqués dans cette même ravine plus d’1h1/2 suite à une chute sévère d’un concurrent.
Arrivée au PITON TEXTOR juste avant le levé du jour : 40km parcourus, 5h53′, altitude 2165m et encore quelques centaines de coureurs repris….tout va bien. Je loupe les lueurs rougeoyantes du volcan de la Fournaise au plus près de nous, plus loin le piton des neiges émerge au dessus d’une mer de nuage sous nos pieds…le jour se lève, j’apprécie le spectacle mais ne m’attarde pas trop. J’ai eu une petite alerte de sommeil un petit 1/4h et un petit vent frais m’oblige à remettre le coupe vent, vite enlevé après 2 km.
Le soleil se lève très vite et je sens déjà que la chaleur prévue sera bien présente…..Je n’aime pas trop…je ne la supporte pas bien, c’est un handicap pour moi, il va falloir la gérer malgré tout et mettre la pédale douce pour aller au bout.
Direction le GR2 et la plaine des palmistes . Sur plusieurs kms, il nous faut passer les barrières des pâturages où les troupeaux de vaches regardent en ruminant passer les drôles de bipèdes….on se croirait en Normandie.
C’est sur ce parcours que je vais doubler Céline LUCAK (de Reims et kiné qui est venue nous aider au Sparnatrail). Elle est parti avec son mari Hervé plus haut dans le peloton de départ, les chemins devenant plus techniques, elle joue la prudence….une petite bise d’encouragement et c’est reparti.
Ca redescend jusqu’à 1594m à Mare à boue, plaine des cafres, puis le sentier remonte jusqu’au passage des échelles du coteau maigre et le coteau Kerveguen (2206m) puis plonge rapidement par 6 échelles métalliques de 5 à 8 barreaux. Il faut bien assurer ses appuis malgré la fatigue.
Puis c’est la direction de mare à Joseph par une descente technique et périlleuse.
(je pense à Claude, pas du tout à l’aise sur ces sentiers…il va plutôt regarder la paroi rocheuse que le vide en dessous).
J’arrive à CILAOS (1210m) vers 11h30 , 66km et 772ème
1ère base de vie à Cilaos. Je prend un peu de temps pour me changer : tee shirt, chaussettes,…et bien me ravitailler avec mes petits pots de riz et semoule chocolat / caramel. J’en prend dans mon sac, car sur cette course je n’ai volontairement pas ou peu pris de sucres rapides car au bout de plusieurs dizaines d’heures de course…..l’estomac ne veut plus….Pour moi c’était « petits pots », soupe aux vermicelles aux ravitos, barre de céréales, tuc … saucisson sec et comme boisson : une gourde d’eau plate, une de pétillante et un yop au ravito …quand il y en avait.
Résultat : aucun problème d’alimentation ni de boisson…c’est rare.
Au départ de Cilaos à 12h, une grosse difficulté m’attend. La montée du col de Taïbit ….en plein soleil. Une 1ère descente de 300m- à la cascade Bras rouge
à 920m puis près de 1200+ à gravir jusqu’au col. L’ascension est raide, chaude et rocheuse….je suis en sueur, bois beaucoup et craint la rupture d’eau. Mais au milieu du col, il y a une paire de cabane et leurs hôtes plutôt un peu bohèmes qui nous offre thé et tisane à ??? …je n’ai pas osé. C’est sympa et ça vaut bien quelques minutes de discussions avec eux …devant un feu de bois…pas vraiment nécessaire!
C’est reparti et malgré la chaleur j’apprécie beaucoup ce col et la descente sur Marla : altitude 1580m ; 15h50′; 653ème et 78km parcourus car les fois précédentes j’avais fait cette partie de nuit.
Ravitaillement express à Marla et direction la plaine des tamarins. Le reste de la journée est plutôt cool, les sensations sont bonnes, le parcours est plutôt descendant, mais je n’essaie pas de suivre les « chamois » réunionnais dans les descentes techniques…d’ailleurs je ne pourrais pas.
Au sentier scout 18h30 la nuit tombe sur le splendide cirque de MAFATE. Une deuxième nuit commence et va bien se passer. La température a un peu baissé et je vais passer une nouvelle nuit en tee shirt, même à 2000m.
Une grosse partie technique nous attends jusqu’au point d’orgue de la course : le MAÏDO à 2030m
Sur le sentier scout, plusieurs ravines et une remontée plutôt raide avec des mains courantes. Passerelle suspendue, rude ascension avec passages très délicats et redescente vers ilet à bourse : 890m ; 95km; 20h39
A nouveau, raidillon et descente périlleuse (petite pensée pour Claude) jusqu’à la rivière des galets que l’on traverse à gué.
Remontée constante mais raide, lacets serrés et marches……arrivée à l’école de Roche plate 1110m ; 1h du matin 501ème
Reste la montée du MAÏDO, épouvantail pour beaucoup, certains disent que la course commence là.
J’ai la chance de passer de nuit…..et la malchance de ne pas pouvoir admirer le cirque de Mafate et ses ilets.
La température est douce, je sue pas mal mais beaucoup moins que mes collègues du club qui passeront de jour, je prend un bon rythme prudent sans jamais m’arrêter, les mains sur les cuisses sur la fin très raide (les bâtons sont interdits à la Réunion). J’aperçois les frontales jusqu’à la crête et entend un groupe de jeunes, feu de camp, chantant et encourageant. Je suis sur mon petit nuage. MAïdo tête dure 112km ; il est 3h46 du matin 423ème, j’ai repris près de 80 coureurs dans la montée, beaucoup dormant au bord du sentier dans leur couverture de survie.
423ème ce sera ma meilleure place;
Au Maïdo c’est la seconde base de vie,…..Je me change, ravitaillement…et j’hésite à mettre mes trails Mizuno car je commence à avoir un peu mal aux pieds.
Après la montée….descente de 2030m à 350m en …13km jusqu’à sans souci…..sans souci, pas pour moi car c’est cette descente qui va me poser des problèmes avec quelques ampoules et mal aux talons. je constate aussi que je n’ai pas eu une seule fois envie de dormir cette seconde nuit (une 1ère…)
j’hésite mais finalement, je décide de m’arrêter chez le podologue. Attente de mon tour et soins vont me coûter 40′. Le podologue me soigne 2/3 petites ampoules, mais pour les talons (inflammation due aux chaussures pas assez amortissantes), pommade « anesthésiante » et strap me seront que peu d’utilité.
C’est reparti avec une nouvelle traversée à gué de la rivière des galets (230m) et montée par le chemin ratineau/kalla jusqu’à 430m
Cette montée plein soleil, entre 25 et 30° va être longue et dure….puis mes talons ne vont pas trop apprécier la descente…et ce sera crescendo dans les descentes suivantes jusqu’à l’arrivée….je vais perdre des places à la pelle!
Depuis la possession en bord de mer (km 143), remontée par le chemin des anglais, chemin de dalles de basalte disjointes…je n’en connais pas qui aime… et redescente à nouveau en bord de mer à la grande chaloupe soit 7km de pavés
. La montée ça va, la descente ..aie, aie, aie.
Il reste 14km et près de 700m de dénivelé, Ca va le faire, j’espère arriver avant la nuit.
A la grande chaloupe on remonte par le même chemin des anglais puis c’est la montée vers Colorado….et la pluie qui commence à tomber. Ca devient très glissant. A colorado il est 17h30, je sors la frontale, me ravitaille, remets le tee shirt de la course (obligatoire pour passer la ligne d’arrivée).
17H40 : je tél à Monique pour annoncer ma dernière descente de 4kms qui va être bien galère.: La pluie redouble d’intensité, ca coule de partout, je n’ai pas de casquette avec la frontale et je ne vois rien, j’enlève mes lunettes, ce n’est pas mieux, je glisse et tombe 2 fois sur les rochers et dans la boue, je marche car mes talons n’en peuvent plus…les « cabris » réunionnais me doublent avec aisance….et ma frontale faiblit à vitesse grand V.
Pour finir un réunionnais chute lourdement devant moi (eh oui ça leur arrive). Impossible de se relever, je l’aide sans succès et lui propose d’appeler les secours …pas question à un 1km1/2 de l’arrivée. J’attends 8 à 10′ avec, il a très mal au fémur. Une connaissance à lui arrivant, va s’en occuper et me libère, je ne sais pas s’il a pu repartir.
Depuis un moment j’entends les speakers du stade de la Redoute quelques centaines de mètres plus bas
Arrivée sur la piste du stade, rempli de spectateurs applaudissant chacun des finishers……Comme au départ, grand moment d’émotion.
Fin d’une nouvelle belle aventure.
Les filles sont toutes là à attendre leur « guerrier ». Monique, Christine, Myriam et Séverine me renseignent sur les positions. Yannick et Olivier ont fait course commune, Hervé les a rejoint vers le 88ème au sentier scout. Dans la descente de Colorado, il tombe en panne de frontale et va être obligé de lâcher 20′. Il demande des piles de rechange aux coureurs quand un concurrent lui prête sa seconde frontale…..solidarité de l’ultra trail.
Claude est à plusieurs heures, mais toujours en course. Il a brillamment passé les endroits dangereux. Quand à Bernard, une « déchirure » et hématome au quadricep va l’obliger à rentrer dans les délais ….au mental….sur une jambe.
Sur des épreuves aussi longues et techniques, difficile d’anticiper les problèmes, chacun a plus ou moins son lot. Hervé et Claude ont connu un coup de chaleur les obligeant à un moment de repos.
Tous FINISHERS …..le fête peut commencer
Merci aux organisateurs et bénévoles qui nous ont fait vivre une belle aventure, et à tous ceux qui nous suivi et encouragé.
RESULTATS: Grand Raid de la REUNION 164km : 9917m+: 2443 partants: 1731 arrivants :712 abandons
-536ème: Jean-Claude PAROLI: 45h26’29 »
-907: Olivier PLATEAU :50h54’28 »
-908: Yannick LEVERT : 50h54’28 »
-932: Hervé GOMES : 51h17’02 »
-1421: Claude AUBRY : 58h17’46 »
-1674: Bernard LLAGONNE: 62h07’23 »
Quelques photos…..en vrac…mais le mieux c’est de voir sur place